L’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans le domaine éducatif transforme progressivement nos pratiques pédagogiques. Cette évolution, présentée lors d’un séminaire dédié à l’IA le 22 janvier dernier par Bastien Masse, délégué général de Class’Code et chef de projet Chaire UNESCO RELIA, mérite une analyse approfondie de ses usages, enjeux et perspectives.

Une transformation des pratiques pédagogiques par l’IA

L’IA s’impose aujourd’hui comme un outil aux multiples facettes dans l’environnement éducatif. En matière d’évaluation et de suivi des apprentissages, les plateformes EdTech et les environnements numériques de travail permettent désormais un tracking précis du parcours des élèves. Ces outils enregistrent les traces d’apprentissage et les transforment en tableaux de bord et synthèses exploitables, offrant aux enseignants une vision détaillée de la progression de chaque apprenant.

La personnalisation des parcours constitue un autre apport majeur de l’IA en éducation. Grâce à l’apprentissage adaptatif, les contenus et ressources peuvent être ajustés en fonction des données collectées sur chaque élève, des objectifs pédagogiques définis par l’enseignant et de méthodes algorithmiques sophistiquées. Ce système permet notamment d’identifier précocement les risques de décrochage et de proposer des recommandations pertinentes pour la constitution des groupes de travail.

Les IA génératives révolutionnent quant à elles la création et la diffusion de contenus pédagogiques. Elles permettent de générer des supports variés, d’interagir via des agents conversationnels et d’explorer les documents de manière interactive grâce aux systèmes de génération augmentée par la récupération (RAG). Ces outils ouvrent de nouvelles perspectives pour la personnalisation des supports d’apprentissage.

Des enjeux critiques à considérer

La démocratisation de ces technologies soulève néanmoins des questions fondamentales. L’évaluation devient particulièrement complexe avec l’émergence de nouvelles formes de triche potentielle. Les inégalités risquent de s’accentuer, tant dans l’accès aux outils que dans leur maîtrise, notamment face à des solutions souvent payantes.

La protection des données personnelles constitue également une préoccupation majeure, entre risques de fuites et partage d’informations avec des entreprises commerciales. L’exposition croissante aux contenus synthétiques, comme les fake news et les deepfakes, nécessite une adaptation de l’éducation aux médias.

L’engagement des élèves est lui aussi questionné face à la production massive de contenus générés automatiquement. La motivation peut s’éroder quand les machines semblent capables d’accomplir certaines tâches en quelques secondes. Cette situation creuse parfois un fossé entre les pratiques des enseignants et celles des élèves concernant l’usage de l’IA.

Des initiatives prometteuses pour encadrer ces évolutions

Face à ces enjeux, plusieurs projets structurants émergent. Le projet OpenLLM France développe un modèle d’IA spécifiquement conçu pour l’éducation, privilégiant l’open source et la conformité au RGPD. Son déploiement, prévu à partir de septembre 2024, promet une approche multimodale adaptée aux besoins pédagogiques.

Le groupe de travail GTNum LLMedIA contribue à l’analyse des solutions disponibles et au développement d’outils de comparaison via la plateforme PASIA. Cette initiative s’accompagne d’un important volet formation dans les académies.

L’écosystème des outils d’IA en éducation se structure autour de trois grandes catégories : les solutions commerciales grand public (ChatGPT, Copilot, etc.), les plateformes ouvertes (Meta AI, Mistral AI), et les EdTech spécialisées (NOLEJ, EvidenceB, etc.). Cette diversité permet de répondre à différents besoins tout en soulevant la question de leur pertinence pédagogique.

Perspectives et conditions de réussite

L’intégration réussie de l’IA en pédagogie nécessite une approche réfléchie et encadrée. Au-delà des aspects techniques, elle implique une réflexion approfondie sur les compétences fondamentales à développer chez les élèves et sur l’évolution du rôle de l’enseignant.

La formation des équipes pédagogiques, la mise à disposition d’outils adaptés et conformes aux exigences du milieu scolaire, ainsi que l’établissement d’un cadre éthique clair apparaissent comme des conditions essentielles. L’objectif reste de mettre ces technologies au service des apprentissages tout en préservant l’autonomie et l’esprit critique des apprenants.

Cette transformation majeure du paysage éducatif nécessite donc un accompagnement continu et une vigilance particulière pour garantir un usage éthique et efficace de l’IA, au service de la réussite de tous les élèves.

➡️ Voir le diaporama 👨‍🏫

Laisser un commentaire